Charlie Bregman : « commencer mon roman sur un blog m’a aidé à faire évoluer mes personnages »

Un tiers des Français aiment écrire. Mais franchir le pas pour se lancer dans l’écriture d’un livre n’est pas toujours facile. Par manque de motivation, par pudeur lorsque les textes sont très personnels. Pour se lancer, Charlie Bregman a choisi de cacher sa véritable identité derrière un pseudo et de commencer son premier roman sur son blog, boostant ainsi sa motivation, recueillant des commentaires qui l'ont aidé à avancer et trouvant tout naturellement ses premiers lecteurs, qui sont devenus ses ambassadeurs. Témoignage.

Bonjour Charlie, ton roman Vivement l’amour ! est né à partir de l’écriture d’un blog. Peux-tu nous préciser comment s’est passé l’aventure ?

C'est une aventure qui a commencé quand j’ai ouvert un blog en partenariat avec un illustrateur J'avais un peu bluffé pour qu'il ne prenne pas peur : je lui avais dit que le roman était entièrement écrit, mais qu'il fallait que je retouche la fin. En réalité, seules 60 premières pages étaient vraiment écrites !

Le deal était le suivant : publier 2 à 3 épisodes illustrés chaque semaine, quoi qu'il arrive.

Pour moi, cela signifiait adopter les codes du feuilleton, avec l’arrivée d’un élément clé ou d’une action à chaque fin d'épisode, afin de donner l'envie aux lecteurs de revenir 2 jours après pour savoir la suite.

Créer une addiction.

Je ne savais pas au départ comment j'allais faire évoluer les personnages et comment tout cela allait finir. C'est souvent grâce aux commentaires des lecteurs que je prenais conscience des passages les plus accrocheurs et que j'obtenais une direction à suivre pour les 5 à 10 épisodes suivants, que j’essayais d’écrire avec le minimum d’interruptions.

Je les envoyais par packs à l'illustrateur, pour qu'il puisse s'organiser pour les dessins. Ses dessins mettaient parfois le doigt sur un détail du texte qui méritait d'être accentué. Il était en quelque sorte mon premier bêta-lecteur. Je l'avais choisi pour son humour et la simplicité de son graphisme, qui me faisaient penser à Hergé. Il avait un regard très amusé sur le texte. Dès que je recevais ses illustrations, j'en riais moi-même. Parfois, pour coller un peu plus à ce qu'il avait représenté ou interprété, je retouchais le texte. C'était une aventure expérimentale pour nous deux, et au bout de quelques mois, une autre blogueuse nous a rejoints pour réaliser une version audio pour les mal-voyants.

Tu as écrit sous pseudo, pourquoi ce choix ?

Mes proches n'étaient pas au courant de l'aventure. C'était plus facile. Comme je réécrivais ma propre adolescence, aux antipodes de celle que j'ai réellement vécue, je voulais pouvoir forcer le trait sans prendre de gants, jusqu’à la caricature si cela était nécessaire pour faire rire de ces situations qui nous ont pourtant tellement plombé au moment où nous les vivions.

Je voulais redonner une chance à ces multiples rencontres gâchées dont j’avais été le témoin (parfois au sein de ma propre famille), en écrivant une histoire qui tombe les masques. Le mot d'ordre était : "Autodérision à fond, le reste, on s'en fout." La honte n’avait pas sa place. Écrire sur un blog, tout en restant anonyme aux yeux de mes collègues de travail, de ma famille, de mes voisins, de tous ceux qui me connaissaient, a donc été pour moi la meilleure manière d’écrire avec mes tripes, et de faire de la littérature qui dépasse la pudeur et les compromis. Encore aujourd’hui, des proches me demandent si je ne regrette pas d’avoir été si loin dans la sincérité. Non, je ne regrette rien. Au contraire, c’est une des choses dont je serai encore fier au moment où je finirai là où l’on va tous. Le pseudo Charlie Bregman est donc né pour me donner toute liberté sur le blog. Par la suite, comme il était déjà bien référencé par les moteurs de recherche, je l'ai gardé.

Les premiers lecteurs sont venus rapidement ?

On a commencé avec 2 ou 3 lecteurs les premiers jours. Et puis tout s'est accéléré, avec le bouche à oreille des premiers lecteurs et les liens tissés auprès d'autres blogueurs. Jusqu'à environ 300 lecteurs uniques en moyenne chaque jour durant toute l'année 2007 (plus de 100.000 visiteurs cumulés) avec une moyenne de plus de 3 pages lues à chaque fois, ce qui me laisse penser que nous avions peut-être plus de 1000 lecteurs différents. Plusieurs radios ont parlé du blog, nous avons été sélectionnés deux fois parmi les meilleurs blogs de l'année sur des sites spécialisés. L'aventure a duré un an et demi...

Après ce premier jet, comment as-tu finalisé ton roman ?

Les corrections, et surtout la phase de réécriture, ont duré bien plus longtemps. Un gros travail restait à faire pour passer d'un premier jet de 650 pages écrites à la va-vite à un roman enfin publiable de 420 pages. En 2011, une première édition timide de 30 exemplaires a été effectuée pour recueillir l’avis objectif de blogueurs, d’auteurs et d’anciens lecteurs du blog, qui me relançaient régulièrement pour m’encourager dans mon travail. Parmi eux, un journaliste écrivain et une écrivain membre de divers jurys littéraires nationaux.

En quelques semaines, des chroniques très positives ont été publiées. Moi qui me sentais si peu légitime, j’ai alors réalisé que le livre avait un lectorat. Qu’il avait un potentiel et qu’il pouvait aussi être apprécié par une certaine catégorie de lecteurs pleins d'a priori envers les livres autoédités. Devant le petit buzz créé autour du livre, sur internet, j'ai même eu 3 éditeurs qui m’ont contacté, mais un seul était vraiment fiable, et il tardait malheureusement à mettre en place la collection dans laquelle devait s’inscrire mon livre. En juillet 2012, lassé d’attendre la concrétisation de notre projet, j’ai pris le taureau par les cornes et me suis lancé dans l’édition numérique sans lui. Au bout d’un an, plus de 1200 exemplaires ont été vendus. J’ai été longtemps parmi les meilleures ventes de la catégorie Humour sur Amazon, parfois devant Sophie Kinsella et Gilles Legardinier ! Mon roman est entré 13 fois dans le Top 100 général, avec une poussée jusqu’en 8ème place.

Cette expérience de l’autoédition m’a tellement enthousiasmé que par la suite je me suis consacré l’écriture de livres qui accompagnent les auteurs dans leur démarche d’auto-édition.

Aujourd'hui, je suis en train de réécrire toute la deuxième moitié de mon prochain roman, dans lequel on retrouvera le personnage principal de Vivement l’amour au moment où il doit quitter le nid familial pour se conformer à ce que la société veut faire de lui, au détriment de ses rêves les plus précieux…

Tous les livres de Charlie Bregman sur http://charlie-bregman.iggybook.com/


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