Lili Durand : "L'auto-publication est une forme de résistance et de refus."

Petite, déjà, Lili Durand voulait être écrivain. Aujourd’hui, elle participe à la Rentrée des indés, la rentrée littéraire des auteurs autoédités, avec Le garçon qui ne voulait pas qu’on l’embrasse.

Parlons d’abord de votre livre. Pouvez-vous le résumer en quelques phrases ?

Chloé, naïve et seule, zombie du quotidien, vit sous la coupe de Jean-Marc, sorte de tyran domestique qui la bat. Puis un jour, elle lit une phrase sur internet et celle-ci va la réanimer. C'est la phrase d'un écrivain beau et célèbre. Elle veut le rencontrer et met tout en œuvre pour y parvenir. C'est le début des ennuis ! Mais elle est obstinée et surtout, il y a Léon, la chance de sa vie, même si jusqu'au bout certainement, elle sera la seule à croire à cette histoire d'amour fabuleuse.

Quelle a été votre source d’inspiration, l’évènement qui vous a poussé à écrire ce livre ?

Une rencontre. Une phrase. Un garçon qui m'a bouleversée. Comme Chloé. J'ai senti ce garçon englué dans une souffrance indicible. Je me suis dit, le meilleur moyen de sortir de la souffrance, c'est de ne plus en avoir honte et pour cela, il faut commencer par la dire. Alors à travers Chloé, j'ai essayé de dire la mienne. Pour qu'il dise la sienne. Mais je ne suis pas Chloé. Tout cela est de la fiction. Mon roman a l'ambition de dépasser ce qu'il est admis de dire ou de ne pas dire. Parfois, il y a des choses que personne ne veut entendre alors on les tait.

Pourquoi avez-vous choisi l’autoédition ? Avez-vous déjà publié par ailleurs chez un éditeur ?

J'ai déjà envoyé des textes aux éditeurs mais je pense que l'édition est saturée. Les éditeurs publient en priorité ceux qui gravitent déjà dans le milieu littéraire, ce qui peut se comprendre, ce sont des personnes à l'aise avec l'écriture et qui bénéficient d'un réseau et donc de futurs lecteurs mais pour ma part, je déplore l'absence d'autres voix, plus modestes et fragiles peut-être mais muées par une réalité que souvent, les édités et ceux qui les éditent ignorent. Il manque des ouvriers à la plume, des caissières sans le bac. On fait tout un tas d'ateliers d'écriture avec des prisonniers, des femmes battues et des SDF et au final, c'est l'écrivain-animateur qui signera un livre dans lequel il aura pris la place de ses stagiaires. Quelque part, je trouve ça injuste. La parole n'est pas libre. L'auto-édition au contraire recueillera aussi bien la voix du SDF qu'on ne laissera rentrer dans aucun cocktail germanopratin que celle de l'aristocrate ou du voyou. Je suis pour une littérature populaire, qui s'adresse à tous. Les éditeurs s'éditent entre eux, les auto-édités finiront pas gagner le marché du livre et la qualité sera au rendez-vous. L'auto-publication est une forme de résistance et de refus.

Parlons de vous : depuis quand écrivez-vous ? Comment vous est venue l’envie d’écrire ?

J'ai eu envie d'être écrivain très petite, le monde des livres me convenait mieux que celui dans lequel je baignais. J'ai rédigé un conte à six ans dans lequel des enfants étaient enlevés par des extra-terrestres, on les menait sur une planète qui s'appelait « Terre perdue » où on les engraissait dans l'idée de les dévorer. Mais j'étais réfractaire à l'école et à l'apprentissage dispensé par les adultes alors j'ai jeté les livres et décidé d'écrire plus tard, quand j'aurai quelque chose à dire, et il me semblait que je n'aurai rien à dire avant quarante ans. Quelques années avant l'âge fatidique, je me suis mise à écrire. Je ne prétends pas avoir plus à dire aujourd'hui qu'à six ans, je trouve que l'enfance est vraiment la période de la vie où on est le plus perceptif et sensible, mais je parviens un peu à retranscrire mes idées. J'ai par ailleurs toujours écrit des petits textes, des trucs horribles, des pièces de théâtres et des scénarios.

Avez-vous des rituels d’écriture ? Comment cherchez-vous l’inspiration pour vos livres ?

J'aime bien écrire quand je me réveille. Peu importe l'heure à laquelle je me réveille. L'inspiration, je ne sais pas trop. J'ai des idées de livres et parfois, j'arrive à les écrire, parfois non. J'aime rester enfermée avec mes personnages. J'ai adoré rester seule avec Léon, à nous raconter cette histoire de quand on s'aimerait dans une sorte de jeu de rôle. J'ai un passé de comédienne et je m'identifie dangereusement aux personnages. Même ceux des autres.

Quels sont vos auteurs favoris, ceux qui vous inspirent ou que vous considérez comme vos modèles ?

Au fond, j'ai peu lu. Et ce que j'ai lu au sortir de l'enfance c'était du théâtre. Shakespeare, Tennessee Williams, Euripide, Garcia Lorca et tant d'autres. Ma pièce préférée est Six personnages en quête d'auteur de Pirandello. J'ai des goûts un peu bizarres, je crois. Pas très cohérents. Mon choc littéraire des trois dernières années est Charles Bukowski. Longtemps, j'ai détesté ses écrits puis soudain, je l'ai lu autrement et il m'a fascinée. De gros et dégueulasse, il m'est apparu beau et passionnant. Mon autre repère est Marguerite Duras. Pour son rapport au corps et à la féminité, le manque d'amour de la mère, la consolation des mots. Ce sont deux personnages très forts et admirables parce qu'ils ont su imposer leur différence. Je me sens entre les deux, non pas pour ce que j'écris mais comme personne, comme eux mais en plus petite. Eux, ce sont des monstres. Et je ne suis pas encore alcoolique. Ma drogue, c'est d'écrire des lettres, comme Chloé. C'est meilleur pour la santé.

Mes écrivains français préférés du moment sont David Foenkinos et Serge Joncour.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui rêve d’écrire un livre mais n’a jamais osé se lancer ?

Bah, de prendre un autre rêve car s'il ne se lance pas, c'est que son rêve n'est pas assez grand.

Le garçon qui ne voulait pas qu’on l’embrasse est disponible sur le site de Lili Durand, en version numérique, à 2,99 €

À PROPOS DE LA RENTRÉE DES INDÉS :

Pour la première fois cette année, en écho à la rentrée littéraire orchestrée par les éditeurs, 40 auteurs autoédités se réunissent pour s’offrir une visibilité inédite pendant tout le mois d’octobre et toucher de nouveaux lecteurs.

Accompagnés par Iggybook.com (la plateforme des auteurs indépendants), Actualitte.com (le magazine des univers du livre) et Babelio.com (la première communauté de lecteurs francophones), ils lancent LA RENTRÉE DES INDÉS 2015.

Découvrez-les sur le site de la Rentrée des indés


Partager